Radio-Canada (et plusieurs autres réseaux d'informations) mettait en lumière, ce soir, le cas de Nathalie Blanchard, cette dame diagnostiquée dépressive et qui s'est fait couper ses prestations d'indemnité parce que la compagnie d'assurances a eu accès à sa page Facebook ainsi qu'aux photos, que la dame avait mise sur son profil, d'elle-même, souriante, lors d'une soirée dans un bar. Selon Mme Blanchard, son agent d'assurances lui aurait dit que, d'après ces photos, elle pouvait retourner au travail car elle ne souffrait plus de dépression!
Toujours sur le site de Radio-Canada, des gens pouvaient commenter cette nouvelle. J'ai lu tellement d'aberrations que j'en eu le souffle coupé! Voici un exemple:
Envoyé par Marietoni, le 23 novembre 2009
C'est moins cher que d'envoyer un agent pour la suivre. De toute façon, je ne vois pas la dame très déprimée. Elle a même pris le temps pour se maquiller. Le BS devrait aussi fouiller là dedans, probablement les impôts vont descendre.
J'imagine que Marietoni est psychiatre ou médecin pour se permettre de juger qu'une dame qui se maquille n'est automatiquement pas déprimée (...)
Chaque fois que j'écris un texte sur mon bloggue, il y entre 50 et 70 personnes qui viennent le lire. Quelques uns sont des amis mais beaucoup sont des gens que je ne connais même pas. Puisque mon bloggue est "un peu" populaire, je vais en profiter pour vous raconter une partie de mon histoire dans le but d'éduquer et de faire tomber certains tabous (sans prétention, bien sûr!)
Pour ceux qui ne le savent pas, je suis gestionnaire de métier. J'ai toujours travaillé dans le monde financier. Jusqu'en janvier 2008, j'occupais un poste de directrice pour une grande institution financière. Je travaillais en succursale et devait m'assurer du bon déroulement de trois d'entre elles. Le 3 janvier 2008, je fût témoin du cinquième vol à main armée de mes succursales, et ce, en un an. Le problème de celui-là c'est que c'est à moi, en majorité, que s'est adressé le voleur. Vous savez, quand on est "boss" dans le domaine bancaire, on n'est pas seulement en charge des opérations mais aussi de la sécurité de nos employé(e)s qui sont, un peu, comme une famille. Alors, en bonne "môman" que j'étais, j'ai pris en charge le voleur en tentant de le calmer, en lui ouvrant une caisse et en lui tenant tête quand il a voulu me faire ouvrir toutes les autres. Et puis, pouf! Le méchant voleur avait disparu! Tout cela n'a duré que quelques minutes!
Après son départ, la patronne que je suis doit prendre les choses en main! Plusieurs téléphones à faire, plusieurs rencontres avec les policiers, plusieurs employé(e)s à réconforter... Pas le temps de souffler et de me mettre à pleurer! Mon adrénaline descendra plus tard, que je me dis.
Les jours passent... Je continue de travailler comme une cinglée! Ce dernier hold up a entraîné plusieurs départs d'employés. Je dois donc, avec l'aide de ceux qui restent, parer au manque d'effectif. Le problème est que, quand je rentre chez moi, je ne me repose pas. Depuis le 3 janvier, je ne dors plus, je fais des cauchemars, je dois prendre de l'alcool chaque soir pour me calmer les nerfs, je pleure sans arrêt, je ne sors plus le soir et je panique dès qu'il y a quelqu'un derrière moi. Mais je refuse d'avouer que c'est le hold up qui m'a fait ça. Je me dis que c'est simplement la fatigue accumulée...
À la fin de janvier 2008, mon cerveau décide d'arrêter de fonctionner. Je m'effondre. Mon médecin de famille, qui est une perle, me dit: "Écoute fille, ce que tu as, c'est un stress post-traumatique et tu dois arrêter de travailler". Je me mets à pleurer de toutes mes forces en lui répétant que c'est impossible, que je suis trop forte, que ce ne sont que les gens faibles qui s'effondrent... Malgré tout, je repars de chez le médecin avec des prescriptions et un abonnement chez un psy!
Les semaines suivantes furent les pires de ma vie. L'arrêt de travail a engendré une dépression nerveuse. La femme ambitieuse que je suis n'acceptait pas de ne pas être capable de passer par dessus. Elle n'acceptait pas non plus que, par un beau matin d'hiver, un crétin soit entré dans "ma" banque avec un "gun" et qu'il ait foutu ma vie en l'air!
Les membres de ma famille et mes ami(e)s proches savaient que je n'allais pas bien mais comme la dépression était encore, pour moi, signe de faiblesse, ils ne connaissaient pas l'ampleur de ma détresse.
Quelques temps après, sur un coup de tête, mais surtout parce que les médicaments ne faisaient pas encore effet, je décide de me rendre au Mexique, seule. Je prends quelques photos, montrant la plage, les gens que j'ai rencontrés, les activités que j'ai fait. Bien sûr, je souris sur ces photos. Mais il est évident que je n'ai pas photographié tous les soirs où je me suis soûlée seule dans ma chambre (je vous rappelle que je prenais des médicaments...) et la journée où j'ai voulu en finir pour vrai. D'ailleurs, c'était le but de ce voyage, dans ma tête! Mais bon, le Ciel étant de mon côté, il est arrivé un évènement, ce jour là, qui a fait que je suis rentrée au Québec en vie et en un seul morceau.
Pour faire comme tout le monde, j'ai mis mes photos de voyage sur Facebook. À ce moment là, j'avais, dans mes "amis" Facebook, certains collègues de travail que je croyais être des bonnes personnes. Et bien, comme vous l'aurez sûrement deviné, j'ai eu droit à des commentaires aussi intelligents que celui que vous avez lu ci-haut. "Une fille en dépression, ça ne part pas en voyage", "elle fake une dépression car elle ne veut pas travailler", "elle exagère car elle veut profiter du système" et combien d'autres encore... Il y a même un ancien collègue, de qui j'étais très proche, qui a dit que j'étais un capitaine de bateau qui avait abandonné son navire! J'ai pensé à poursuivre toutes ces personnes pour diffamation et atteinte à ma réputation mais en avais-je la force? La réponse est non, évidemment. Ensuite, est venu le temps où des gens, travaillant au siège social de mon employeur, se sont mis à téléphoner chez moi pour savoir quand est-ce que je reviendrais, pour mettre de la pression. Ils ont même envoyé un fax à mon médecin l'obligeant à donner une date de retour et à leur transmettre certains détails de mon dossier qui sont confidentiels. Une chance que mon médecin a mauvais caractère et qu'il connaît les droits de ses patients. Suite à un appel de sa part à mon employeur, la pression faite par ce dernier a cessé.
Mon médecin m'a donné le "ok" pour retourner travailler en mars 2009 soit plus d'un an après mon incident et seulement parce que je l'ai supplié de le faire. Dans les faits, je n'étais pas complètement guérie. Mais j'étais tannée de me sentir inutile et de passer pour la fille qui profitait du système. Pourtant, laissez moi vous dire que j'en ai arraché. Le chemin fût long et pénible jusqu'à la guérison. Encore aujourd'hui, je refuse d'entrer dans une succursale bancaire et je ne vais jamais au guichet automatique le soir. Un psychiatre a décrété que j'avais une lésion professionnelle et que je ne pourrai plus, à court ou moyen terme, occuper mon emploi, pratiquer mon métier! Imaginez combien on peut se sentir ratée!
Pourtant, durant ces mois de dépression grave, j'ai souri, je me suis maquillée et coiffée. J'ai sortit avec des amis dans des restaurants et dans des bars car ceux-ci voulaient me changer les idées. J'ai passé de bons moments en famille. Mais est-ce que tout cela enlevait mon mal de vivre? Ma détresse? Mes idées noires? Bien sûr que non. Il n'y a pas une façon précise de vivre sa dépression. Oui, il y a des signes qui ne trompent pas. Il y a des symptômes communs à tous. Mais le chemin jusqu'à la guérison est différent pour chacun. Et AUCUN ÊTRE HUMAIN ne peut juger si une personne est guérie ou non! Et ces paroles, elles viennent de mon psy et de mon doc!
Malgré toutes les publicités, toutes les paroles des gens "politiquement correct", malgré les lois, les maladies mentales et les maladies professionnelles sont encore très tabous. C'est encore très mal vu. On se fait regarder, juger, étiqueter. Vous essayerez d'expliquer le pourquoi de votre arrêt de travail en entrevue avec un nouvel employeur!!! Si vous saviez comme ils sont réticents à l'idée de vous embaucher. Et savez-vous pourquoi notre société est encore aussi fermée d'esprit face aux dépressions, burn-out et tout le reste? Parce qu'il y a encore des imbéciles, comme cette personne "Marietoni", qui écrivent sur des sites internet ou qui appellent sur des lignes ouvertes en disant que "la fille devait pas être déprimée puisqu'elle avait pris la peine de se maquiller" !!!! (oh, et en passant "Marietoni", une déprime et une dépression, c'est deux choses COMPLÈTEMENT différentes!). C'est avec des jugements aussi insipides que l'on se ramasse avec des employeurs qui congédient, des assureurs qui refusent de payer et des voisins qui chuchotent dans le dos des gens qui souffrent de dépression.
Et après, on se demande pourquoi le taux de suicide est aussi élevé au Québec!
Karine-qui-est-toujours-vivante!
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Wow ! J'suis contente que tu aies pris le temps de l'expliquer à tes lecteurs. Je t'admire tu sais. C'est pas tout le monde qui passe à travers avec le regard que tu as sur la vie. J'suis bien contente que ce soir là, au Mexique, le Ciel t'ait fait un petit clin d'oeil ;) T'as une grande yeule, tu m'éneeeeeeeeerves parfois mais cliss que j't'aime :)
RépondreSupprimerLa je sais vraiment pas quoi écrire. Je lis ton blog depuis le debut et bon normalement j'ai des opinions parfois de ton côté parfois non...mais aujourd'hui c'est différent...c'est pas un texte qui permets d'écrire un opinion. Une crisse de chance que j'ai un correcteur automatique parce j'ai comme un "shake" en écrivant...en plus des yeux humides. J'imagine que pour nous écrire ca aujourd'hui tu devais pas être très joyeuse en regardant les nouvelles. L'étre humain étant ce qu'il est, et l'évolution prenant tellement de temps, nous aurons surement droit a d'autre histoire d'employeurs comme ça.
RépondreSupprimerMa belle Karine,
RépondreSupprimerJe suis fière de toi. D'avoir vécu ce que tu as vécue et d'être ce que tu es aujourd'hui. Wow!
Tu as une grande force en toi. Merci d'avoir partagé cette tranche de vie pour faire comprendre aux autres ce que tu as vécue.
Merci!
Merci Karine!
RépondreSupprimerCe sont des gens comme toi qui réussissent à faire tomber les jugements faciles, un à un.
Comme société on a encore un gros pas à faire dans le sens de la démystification des maladies mentales...
Personne ne porte de jugement sur celui qui manque un mois parce qu'il s'est cassé une jambe... mais celui qui quitte pour un burn-out... oufff c'est une autre affaire!
Mais bon à force de dénoncer... les choses vont peut-être changer...
Je suis aussi en dépression et de tout coeur avec toi
RépondreSupprimerEn temps de dépression la question la plus dure a affronter est: ca va? Et pourtant c'est la question que les gens nous demandent le plus souvent en s'attendant toujours à ce qu'on réponde la réponse pré-programmée si facile à utiliser. Pas étonnant qu'on pose souriant(e) et qu'on met ça sur facebook, la meilleure façon que tout le monde se dise que ça va bien et nous foute la paix. C'est malheureusement pas tout le temps le cas!
RépondreSupprimerBravo pour ton texte ! C'est super de t'affirmer sur un tel sujet ! Pas facile le post-trauma. T'es forte malgré tout ça. Wow !
RépondreSupprimerJe suis travailleuse sociale en santé mentale (avec des délinquants maintenant) et my god qu'on a du chemin en santé mentale !! Tabou tu dis !! Et parfois tabou même chez les professionnels de la santé, pathétique ! Quand j'entends des affaires de même, le poil me dresse.
Moi je fais de l'anxiété, des crises de panique depuis le cégep. Je vais mieux mais encore des fois j'ai des tites rechutes... je t'épargne les commentaires des gens, de ma famille et de mes amis même... On a juste envie de les shaker et de leur faire suivre un cours intense de santé mentale 101! Si j'étais diabétique, ce serait normal de feeler mal mais la santé mentale... woah ! Différent !
Contente surtout de te savoir toujours vivante ! ;) Lâche pas !
Moi, je veux juste te dire que je t'admire : POINT!
RépondreSupprimerKarine, ton texte me touche vraiment, la détresse que peux ressentir une personne qui souffre en silence est énorme. Heureusement pour moi je n'ai jamais eu personnellement à vivre ce mal de vivre. Parcontre autour de moi plusieurs personnes l'ont vécu ou le vivent encore. Les gens qui les entourent sont souvent les premiers à juger. J'ose espérer que j'ai pu les conseillés ou les soutenir sans les juger. Tout ce que je fais c'est de les écouter et essayer de les tourner vers des ressources professionnels, je connais ma limite et je ne voudrasi en aucun aggraver une situation sans le savoir. Mais c'est à force d'en parler ouvertement comme tu le fais que les choses changeront. T'as une voix forte et le coeur à la bonne place. Victoire pour toi ma chère! xx
RépondreSupprimerLisa
Bravo Karine, lache pas, on est pas seul...
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